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Mon expérience de libraire : suite et fin

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Je suis très heureuse de vous retrouver ici pour la deuxième fois aujourd’hui ! 😏 Je vous l’expliquais dans mon article précédent « je rêvais d’être libraire » j’ai pu tester cette activité pendant une petite année. Année pendant laquelle j’ai pris conscience de mes limites professionnelles, mais aussi personnelles. Que vous rêviez de vendre des livres ou souhaitiez vous reconvertir comme libraire sachez que c’est un métier exigeant qui ne s’improvise pas. Il semble que certaines personnes considèrent le libraire comme un simple vendeur. Le livre est pourtant loin d’être un produit comme les autres. La culture, ça ne se « vend » pas seulement, ça s’apprécie, on la conseille ou la recommande. Allez, 😜 je vous raconte la suite et fin de mon expérience de libraire !

Gestionnaire de rayon et responsable des collectivités

Si vous me suivez régulièrement, je pense que vous savez que je suis une personne qui sait faire preuve de polyvalence dans son travail. Je pense que ça a toujours été le cas, même lorsque je travaillais en maison d’édition. Lorsque je me suis vu confier ce poste de gestionnaire de rayon papeterie-carterie et responsable des collectivités honnêtement, j’ai senti assez rapidement que j’allais avoir un problème 😳. La personne que j’allais remplacer a pris le temps de me former avec beaucoup de cœur. Elle a occupé ce poste pendant six ans, tous les clients l’adoraient. J’arrivais déjà avec un peu d’appréhension. Quand elle a commencé à me montrer toute l’étendue de ses compétences, j’ai pleuré. Littéralement, j’ai fondu en larmes 😢. Vous devez vous demander pourquoi je n’ai pas simplement décliné la proposition et dit que finalement je ne voulais pas de ce poste. Avec le recul, sachez que je m’interroge aussi. Au fond, je pense que ma conscience professionnelle a pris le dessus. Je me suis sentie incapable de laisser cette librairie sans personne alors qu’ils comptaient sur moi. Si je vous dis si souvent qu’il est important de connaître ses limites, sachez qu’à l’époque je n’en avais pas conscience. En résumé, j’ai accepté ce poste et toutes les tâches qui allaient avec. J’ai appris à gérer un rayon, à recevoir mes représentants. Fort heureusement, ils étaient tous adorables et m’ont appris le métier sur le tas. La papeterie-carterie, ça allait. Les collectivités par contre…🙄

Le service des collectivités de ma librairie

C’est là que les choses deviennent cocasses. Oui vous avez bien lu ! Avant de partir, ma collègue m’a donc appris tout ce qu’elle pouvait dans le laps de temps qui lui était donné. Vous savez, quand une personne démissionne, tout n’est pas toujours facile vis-à-vis de l’employeur. La situation était un peu tendue face à ce départ précipité et j’ai senti que ce n’était pas facile pour elle. Elle était tiraillée entre la peine de laisser ses collègues et clients, et soulagée de quitter ce poste. Autant vous dire que ça commençait bien pour moi😓. Le gros de ma mission était de répondre aux sollicitations mails et appels des collectivités. De prendre en note les demandes de livres, de préparer des devis, d’attendre le bon pour accord et de lancer les commandes d’ouvrages. Jusque-là pas de soucis. Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre qu’une fois les ouvrages arrivés en boutique, je devais attendre que mon collègue au stock les ait réceptionnés avant de préparer moi-même les colis à destination des différentes collectivités. Bien sûr il fallait pointer chaque commande, vérifier le contenu des cartons, préparer des cartons pas trop lourds, les bons de livraison et les bons de colisages. Mon collègue chauffeur-livreur partait ensuite en tournée pour livrer les collectivités. Suite à cela venait la partie facturationenvoi des facturesattente des paiementsrelances. J’ai appris à mes dépens que je devais aussi m’occuper des livraisons de la médiathèque qui se trouvait de l’autre côté de la rue. Chaque semaine, après la préparation de leur commande, je traversais la rue équipée de mon diable et de mes cartons pour aller effectuer mes livraisons de livres à pied. oui oui ! À PIED ! Tous les libraires vous le diront, la manutention est importante dans ce métier. C’est usant, c’est fatiguant. Je me suis retrouvée à porter des charges dont vous n’avez même pas idée.

La libraire de secours

Ce que je ne vous dis pas, mais je pense que vous l’avez compris, c’est que mon bureau — celui d’où je gérais tout ce micmac — était au milieu du rayon papeterie ! Je devais donc gérer ma clientèle et suppléer mes collègues en rayon ou à la caisse quand il y avait du monde. J’étais la libraire couteau-Suisse : la libraire de secours. Je vous passe les détails des commandes toujours « urgentes » des collectivités, des appels parfois injurieux de certains clients pour se plaindre. J’ai fait beaucoup, beaucoup d’erreurs. J’étais constamment stressée et épuisée. Je n’ai jamais aussi mal dormi que quand je travaillais dans cette librairie. Une de mes plus grosses bourdes reste une commande d’ouvrages qu’une école avait passée pour la rentrée scolaire 2018. Ils m’ont envoyé un document Excel. Je n’avais pas vu qu’il y avait plusieurs onglets sur le document, j’ai donc passé les commandes pour une seule classe. Je ne vous raconte pas la tête de la directrice quand elle n’a reçu que deux cartons le jour de la rentrée au lieu des 20 qu’elle avait demandés. Sincèrement je ne me suis jamais sentie aussi nulle de toute ma carrière😅. Enfin, j’ai commis d’autres erreurs, mais celle-ci me restera en mémoire toute ma vie. Heureusement mon collègue et ami à réussi à me couvrir et à rattraper un peu ma bêtise, mais croyez-moi, tout le monde s’en souvient.

J’ai décidé de démissionner

Bon, n’allez pas vous imaginer que je suis du genre démissionnaire. C’est la seule fois de ma vie où je suis délibérément partie. J’ai travaillé 9 mois comme libraire dans cette structure. 9 mois pendant lesquels j’ai supporté le stress, les injonctions à faire toujours plus, un salaire de misère, des dizaines d’heures supplémentaires impayées et presque pas de vacances. Ça, c’est la partie visible de l’iceberg. Je ne vous cache pas qu’il y avait aussi des soucis organisationnels, des soucis de management et de hiérarchie. Je suis le genre de personne qui ne supporte pas de travailler ou de faire les choses quand ça n’a pas de sens. Certains diront que j’ai du caractère, d’autres que je n’aime pas l’autorité. Je suppose que tout est relatif. D’un point de vue humain, j’ai fait de belles rencontres. Je suis toujours en contact avec d’anciens collègues devenus aujourd’hui des amis. J’ai également rencontré des personnes formidables, j’ai eu de très beaux échanges avec des clients. Si la question que vous vous posez est « est-ce que tu regrettes d’être partie ? », la réponse est non. Absolument pas. En parallèle de ces semaines de stress, je gérais mon auto-entreprise, je travaillais pour moi sur le peu de temps libre que j’avais et c’était intenable. Je pense que ce qui m’a motivée à partir c’est que je n’étais pas alignée avec les valeurs de l’entreprise ni avec la gestion de la relation client et l’organisation en interne. Il y avait bien évidemment des problèmes dont je ne parlerai pas ici, mais comme dans toutes les sociétés il existe des conflits de personnalités, des situations difficiles à supporter au quotidien. Comme certains de mes collègues, j’aurais fini par y perdre ma santé physique et mentale. Partir est parfois la meilleure des décisions !

Ce que je retiens de cette expérience

Si je vous raconte tout ça aujourd’hui c’est parce que malgré tout, cette expérience a enrichi mon parcours professionnel. J’ai grandi, j’ai appris et surtout je n’ai pas pris cette malencontreuse expérience comme une vérité absolue. Je connais des dizaines de libraires. Certains de mes anciens camarades travaillent dans des librairies formidables. Le métier de libraire est exceptionnellement riche de culture et d’échanges. C’est une profession complexe, qui demande des connaissances en gestion, en conseil, en mise en place, en relations client… Quand le cadre est bon, c’est passionnant. Je le sais pour le voir exercer par des amis passionnés. En ce moment, les libraires ont plus que jamais besoin de votre soutien. Je vous le dis régulièrement sur mes réseaux, acheter un livre chez votre libraire vous coûtera le même prix que sur A… M…Z.. N. Par contre, en vous déplaçant en librairie, vous aidez un commerçant et un professionnel qualifié à faire son métier et ça : ça n’a pas de prix !

Sur ces mots je ne pouvais pas vous abandonner sans vous parler d’un projet que je soutiens de tout mon cœur. Une de mes anciennes camarades de DUT Elura, est en train de créer la librairie un livre à soi à Lonjumeau avec son associée Elsa ☺️. Vous le savez si vous êtes vous-même entrepreneur, financer un projet est fastidieux. Elles ont donc lancé une campagne de financement sur kisskiss bankbank. L’argent récolté permettra de constituer leur stock initial, mais aussi de développer l’activité, d’enrichir leur trésorerie et d’avancer quelques loyers pour leur local. Si vous souhaitez aider deux jeunes libraires à se lancer, n’hésitez pas à participer et à partager cette campagne pour les soutenir !💪

J’espère que ce partage d’expérience vous aura plu, n’hésitez pas à échanger dans les commentaires. On se retrouve jeudi prochain à 10 h pour un nouvel article !

2 Commentaires

  1. Alexandra

    Terminer ma journée en te lisant. Deux articles attendus. Être transportée par tes mots, ton histoire et plonger dans la mienne.
    J’ai vécu une expérience professionnelle identique sur le fond mais dans un tout autre domaine. Je devais avoir le même âge que toi à l’époque où j’ai débuté. Je n’ai pas osé démissionner pour une série de mauvaises raisons (avec le recul c’est évident), je n’ai pas eu ton courage. Ce que je ne suis pas parvenue à prendre comme décision, mon corps l’a fait. C’était il y a 17 ans, 17 ans de maladie, de combats constructifs aussi.
    À force d’y croire, j’en sors enfin et comme tu sais, me lance dans l’entrepreneuriat.
    Merci Aude. Merci pour ton témoignage crucial sur l’écoute à avoir de nos limites, d’oser dire non tout en transmettant un message très positif. Bravo pour ta maturité.
    Alexandra

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    • Aude BERTHELOT

      Comme toujours je te remercie pour ce commentaire plein de valeur ! Merci de me lire et de suivre mon travail avec tant d’assiduité. Il n’est pas toujours évident de prendre des décisions importantes mais il faut le faire. Je te souhaite le meilleur pour cette nouvelle aventure ! ☺️😘

      Réponse

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