La magie de la lecture réside entre autres choses dans le pouvoir d’éveiller des émotions et d’inspirer les lecteurs. Mais avant qu’un livre ne tombe entre les mains d’un lecteur, il passe par de nombreuses étapes dont on parle peu : la lecture professionnelle en fait partie. Premier professionnel chargé de lire les manuscrits qui arrivent en maison d’édition, le métier de lecteur professionnel fait rêver, attise la curiosité mais reste encore aujourd’hui un métier de l’ombre. D’aucuns diraient même qu’il est en voie de disparition. Le métier de lecteur professionnel : une profession méconnue, bienvenue en immersion dans un quotidien étonnant !
Le rôle du lecteur professionnel en maison d’édition
Avant de retrouver en librairie une flopée de nouveautés, sachez qu’un roman passe entre de nombreuses mains. Entre l’ordinateur de l’auteur, et la table du libraire, le chemin est sinueux. Intégré directement à la maison d’édition ou freelance, le lecteur professionnel, autrefois nommé « lecteur éditorial » est engagé pour son avis et pour son expertise. Sa mission : lire les manuscrits envoyés aux éditeurs, analyser la pertinence du projet de roman, rédiger une critique et formuler un avis de publication. Bien évidemment le seul avis d’un lecteur ne suffit pas. Le regard et l’analyse de plusieurs membres de ce que vous connaissez sous le nom de « comité de lecture » sont croisés avant de prendre une décision. Véritable pilier d’une maison d’édition, ces équipes de lecteurs professionnels travaillent dans l’ombre, de manière anonyme et dans le respect le plus strict de la confidentialité.
Le recrutement des lecteurs professionnels
Si ce métier en fait rêver certains et certaines, sachez qu’il est aujourd’hui rare de pouvoir s’y faire sa place. Pour cause, la plupart des lecteurs exercent un autre métier à côté. Il s’agit donc plus d’une fonction offerte parfois à des internes qui travaillent déjà au sein de la maison d’édition. Il existe encore des lecteurs professionnels qui comme moi travaillent en freelance. Mais ne rêvez pas, très peu arrivent à vivre de cette seule activité. Pour ma part, il m’a fallu trois ans et beaucoup de persévérance avant d’arriver à m’en sortir. Le lecteur professionnel est choisi ou devrais-je dire plutôt repéré pour ses compétences. Pour ma part, j’ai eu la chance de rencontrer lors de mes études en métiers du livre le responsable du service des manuscrits d’une grande maison. Après quelques semaines de travail dans son service et une lettre de recommandation plus tard, j’ai tenté ma chance auprès d’une autre grande maison d’édition. Le responsable m’a testée, avant de m’offrir l’opportunité de m’apprendre le métier pendant trois années supplémentaires. Il me payait de sa poche, une somme symbolique et est devenu pour moi un véritable mentor. Ce métier c’est avant tout de la transmission d’un professionnel à l’autre. On ne l’apprend pas à l’école.
Les compétence indispensable au métier de lecteur professionnel
Contrairement à ce que beaucoup de gens imaginent le lecteur professionnel n’est pas engagé que pour lire ! S’il est recruté c’est avant tout pour sa capacité à cerner très rapidement le potentiel éditorial d’un manuscrit. À l’image d’un chercheur d’or, le lecteur professionnel cherche à dénicher LA pépite, le manuscrit digne d’être signé dans la maison d’édition pour laquelle il travaille. En plus de ses capacités d’analyse, le lecteur professionnel doit avoir une connaissance très fine du marché du livre, faire énormément de veille y compris sur les marchés étrangers. Nous sommes parfois amenés à lire des manuscrits pour les rachats et de droits et les traductions. Lire dans plusieurs langues est un vrai plus ! Sa vitesse de lecture est également importante car il faut savoir lire sur des délais parfois très courts. Il est également primordial d’être capable de se détacher de ses affects personnels car on ne choisit pas les manuscrits qui nous sont confiés. Il nous arrive régulièrement de lire des manuscrits dans des genres littéraires que l’on n’apprécie pas à titre personnel. Au-delà de ça, il faut aimer écrire car il y a des dossiers ou des fiches de critiques à rédiger pour l’éditeur !
La rémunération dans le métier de lecteur professionnel
Si vous pensez faire fortune en lisant, mieux vaut vous tourner vers un métier moins précaire que celui de lecteur professionnel. En maison d’édition, la lecture d’un manuscrit dépasse rarement les 90 euros brut. Quelle que soit la longueur du manuscrit ou la langue. L’expérience permet parfois de négocier un peu mais c’est assez rare. Dans mon cas, je travaille aujourd’hui pour des maisons d’édition mais également directement auprès d’auteurs et d’autrices. Je suis également formatrice, créatrice de contenu sur les réseaux. Ce qui me permet de me dégager un salaire correct et de pouvoir continuer à exercer mon métier. Comme je vous le disais, il s’agit aujourd’hui plus d’une fonction, que d’un métier à part entière. Nous avons pour la plupart plusieurs cordes à notre arc (consulting, tâche éditorial, formation en plus de nos lectures de manuscrit).
Le lecture professionnelle : un métier de passion
Comme beaucoup de métiers du livre, et plus largement de métier culturel, il s’agit d’une profession passion. Clairement pas de celles qui vous rendent riche à millions. En revanche je ne suis pas à plaindre et j’ai la chance d’exercer librement un métier que j’ai choisi. Je découvre un nouveau manuscrit chaque semaine et ne passe pas un jour de l’année sans lire quelque chose. À côté, je lis aussi beaucoup pour moi, de préférence dans des genres littéraires que je n’ai pas à lire pour le boulot : ça évite les confusions ! Le journal les Échos avait d’ailleurs rédigé un très bon article à ce sujet : profession lecteur.
Les défis du métier de lecteur professionnel
Le métier de lecteur professionnel est plus difficile qu’il n’y paraît. Nous sommes de celles et ceux qui travaillent dans l’ombre et sans trop de reconnaissance. Si ça ne m’a jamais dérangé, bien au contraire, il y a des personnes à qui ça pose un problème. Les maisons d’édition apprécient notre travail mais n’en parlent jamais. Les auteurs oublient parfois que leurs livres trouvent preneur parce que nous avons été là pour les défendre. Si vous êtes à la recherche de lumière est de reconnaissance ce n’est pas le métier à faire. La charge de lecture est importante. Je lis 4 à 5 manuscrits par mois. Dans mon cas toujours en intégralité. Cela fait partie de ma manière de travailler et c’est la raison pour laquelle on me fait confiance. Mais parfois c’est difficile. Accepter de se plonger dans un manuscrit bancal, avec des faiblesses ou des choses qui ne vont pas et devoir aller au bout est parfois un véritable challenge.
Les fiches de lecture des lecteurs professionnels
Maintenant que vous en savez un peu plus sur cette profession méconnue, vous devez sans doute vous demander quel genre de retours argumentés nous fournissons aux maisons d’édition pour qu’elles puissent prendre une décision. Il n’y a pas de réponse toute faite à cette question. Chaque maison d’édition à ses propres critères de regards. Nous devons donc nous adapter à leur manière de travailler et à leurs exigences. La plupart du temps un synopsis détaillé nous est demandé, suivi d’une critique argumentée et d’un avis favorable ou non. Parfois un système de notation est imposé afin d’attribuer une note finale au manuscrit. Comme je vous le disais chaque maison d’édition fait les choses à sa manière. C’est à nous lecteurs professionnels de nous adapter à la demande.
Si vous êtes arrivé jusqu’ici dans cet article, vous avez désormais une vision plus claire du métier de lecteur professionnel. Métier que j’exerce en freelance depuis six ans. Je ne peux malheureusement pas résumer cette profession dans un seul article. D’autres viendront peut-être mais je suis ravie d’avoir mis en lumière mon métier. Le métier de lecteur professionnel : une profession méconnue et très difficile d’accès. N’hésitez pas à poser vos questions dans les commentaires. Je vous dis à bientôt pour un prochain article.
Bonjour,
je suis un très très grande lectrice, j’aime écrire et…lire. Le métier de lectrice professionnelle m’intéresse ! Est-ce que vous pourriez me dire quelles études faire ect… Et à côté, j’aimerais faire le métier d’infographiste car j’aime aussi le dessin, la mise en page… Est-ce que vous pensez que c’est possible ?
Bonjour 🙂
Pour ma part j’ai un parcours complet en métiers du livre et de l’édition (DUT + Licence pro + DU + quelques années d’expérience en maisons d’édition). Ce n’est pas un métier qui recrute mais une fonction à laquelle on accède par cooptation. C’est un responsable de service des manuscrits d’une grande maison qui a accepté de me former après mes études. La majorité des lecteurs professionnels travaillent déjà en maisons d’édition ou dans le monde du livre en général et beaucoup n’en vivent pas car c’est très peu rémunéré. Je pense qu’il est possible de cumuler les deux mais la plus grande difficulté réside dans le fait d’accéder à cette responsabilité.