Pour ce premier focus métier sur le blog, nous partons à la rencontre de Clémence Commelein éditrice pour les Ateliers Henry Dougier. Lancée en 2014 par le fondateur éponyme, cette structure confidentielle propose aujourd’hui près de 130 titres au catalogue et prévoit dans les mois à venir de nouveaux lancements. Vous souhaitez en apprendre un peu plus sur le processus éditorial et sur ce qu’implique le travail d’éditrice dans une petite structure : cet article devrait vous plaire. Pour vous, en exclusivité pour le blog mademoisellefreelance : Rencontre avec Clémence Commelein, éditrice aux ateliers Henry Dougier.
Le parcours de Clémence
Pour commencer cet entretien, j’ai choisi de questionner mon amie Clémence sur son parcours professionnel et sur ce qui l’avait conduite à travailler pour les ateliers Henry Dougier en tant qu’éditrice. je vous laisse donc découvrir notre échange !
Qu’as tu fait comme études ?
“Alors, bon ce n’est pas vraiment une ligne droite, j’ai fait quelques détours avant d’en arriver là. J’ai commencé par une LLCE à la fac de Nantes en espagnol-portugais. Oui bon , j’aimais bien les langues mais un peu moins la fac. J’ai tenu un an avant de bifurquer en DUT info-com option information numérique dans les organisations à Grenoble. C’était très axé archive et centre de documentation. Après deux ans, j’ai compris que ça ne collait pas tout à fait à ce que je voulais faire de ma carrière. Je suis partie à Bordeaux faire un DUT métiers du livre avant de suivre la licence professionnelle métiers de l’édition en alternance de l’ASFORED où on s’est rencontrées.”
Depuis quand travailles-tu aux Ateliers ?
“Je travaille ici depuis le 1er Octobre 2016. La personne qui gérait la communication partait, celle qui gérait la comptabilité partait aussi. Henry avait besoin d’une personne polyvalente mais avec un profil orienté vers l’édition. C’est comme ça que je suis arrivée ici.”
Une éditrice polyvalente
Vous n’êtes pas sans savoir que le travail dans une structure de petite taille demande à ses salariés une grande polyvalence. Clémence nous raconte comment elle gère son quotidien d’éditrice.
Comment gères tu la polyvalence dans ton travail ?
“Pour être honnête c’est quelque chose qui me plaît et que j’apprécie au quotidien. Je touche à tout, je fais de l’administratif, de l’édito, de la communication, les relations auteurs, les stock. Ça me plaît parce que j’ai le choix. Si j’ai envie de travailler sur un type de tâche plutôt qu’un autre, c’est possible. Je gère vraiment mon emploi du temps comme je l’entends. Bien sûr je priorise.”
Aurais-tu des astuces d’organisation à partager ?
“On va dire qu’il y a les urgences urgentes ! Elles sont toujours prioritaires quel que soit le domaine. Après j’ai un cahier ou je note absolument tout ce que j’ai à faire en mode To do list. Si il y a des tâches rapides à gérer je m’en occupe immédiatement comme ça, c’est fait. Sinon je reste vraiment fidèle aux tâches urgentes prioritaires.”
As-tu des préférences pour certaines activités ?
“Les réseaux sociaux, clairement c’est très sympa ! Par contre j’essaye d’y aller toujours avec un objectif en tête sinon j’y passe des heures… Si j’y vais en me disant, je vais juste regarder, je termine par regarder des photos de voyage et là ça devient très compliqué. Sinon j’adore aussi échanger avec les auteurs !”
La création des Ateliers
Le directeur des ateliers, n’est autre qu’Henry Dougier, connu pour avoir fondé les Éditions Autrement en 1975. Elles seront cédées en 2011 aux éditions Flammarion qui sont aujourd’hui sous l’égide du groupe Madrigall. L’idée était de créer “un laboratoire d’innovation sociale d’action et de terrain” selon les propres mots de du directeur. Naîtra de ce souhait la collection Lignes de vie d’un peuple que nous aborderons dans la suite de cet article. Cette maison d’édition expose la société et le monde d’aujourd’hui au travers les regards croisés de témoins invisibles. Expatriés ou anciens résidents étranger, les auteurs mis en lumière par les ateliers offrent la parole aux peuples, aux régions, aux classes sociales et partagent leurs valeurs et leur mémoire. On y retrouve également tout leur imaginaire et leur créativité. Les ateliers Henry Dougier permettent de voyager au fil des pages grâce à des collections riches, originales et éclectiques.
Les Collections
“La première collection est la collection lignes de vie d’un peuple. Elle comporte actuellement 49 titres mais le cinquantième est à paraître cette année. Une autre collection tournée vers les peuples mais plutôt sous un angle géopolitique et historique : Métamorphose d’une nation. Nous n’avons que six titres au catalogue car ils demandent un travail éditorial beaucoup plus conséquent. Pour le moment, elle est un peu en pause. La collection 10+100 sur la création contemporaine qui présente une ville ou une région à travers l’art contemporain. On a également lancé une collection de littérature. Très sincèrement il n’y a pas de ligne éditoriale pour nos romans. On publie ce qui plaît à Henry – le fondateur -, c’est ce qui plaît aussi à nos lecteurs. En 2019, on a créé la collection une vie, une voix. l’idée c’est de raconter des tranches de vie. Sinon on propose de temps en temps des hors collection. Parfois des récits ou des témoignages. Ce sont un peu nos inclassables. Une nouvelle collection sera lancée prochainement en avril : le roman d’un chef d’œuvre. Un auteur raconte comment un tableau a été peint. C’est un peu les dessous de l’art.”
Pourquoi avoir lancé une collection de romans ?
“On souhaitait vraiment sortir un peu du voyage et ouvrir nos collections à un nouveau public. Henry publiait pas mal de romans lorsqu’il travaillait pour les éditions autrement. À l’époque c’était surtout des traductions avec des cessions de droits étrangers. Je pense qu’il a voulu retrouver un peu l’aspect littérature aux Ateliers mais seulement en publiant des auteurs français.”
Si tu devais choisir un ouvrage sur lequel tu as particulièrement aimé travailler
Le contrat, de Maureen Demidoff
“Difficile de choisir, mais je dirai le Contrat, sorti le 4 Mars. J’ai travaillé dessus avec l’auteur, pour le guider. C’est un premier roman et j’ai adoré assurer le suivi éditorial de bout en bout. J’ai eu un très bon échange avec elle c’était très agréable et ce qui ne gâche rien le ce roman est très sympa à lire !”
Question inverse un ouvrage sur lequel tu n’as pas aimé travaillé et pourquoi ?
“Alors j’en vois bien un, sans rentrer dans les détail ça a été très très pénible. Je ne vais pas donner le titre mais dans l’idée c’était compliqué d’un point de vue éditorial. L’auteur était omniprésent, n’arrivait pas à lâcher prise ou à se cadrer dans son roman. Niveau commercial c’était également très difficile de trouver le bon positionnement. La collaboration n’a pas été facile d’autant qu’il a fallu parfois faire des coupes etc. Bref c’était compliqué.”
Où peut-on retrouver les ouvrages des ateliers ?
“Alors principalement en librairie. On est distribué et diffusé par interforum et volumen. Après on est assez présents sur la vente en ligne également. Les ouvrages qui parlent de peuples et de pays sont assez appréciés ce qui est pas mal pour nous faire connaître. C’est vrai qu’en temps normal on essaye d’être présents sur des salons ou d’organiser des dédicaces ce genre de choses mais en ce moment c’est un peu compliqué. On aimerait pouvoir vendre des droits à l’étranger mais pour le moment on a pas encore trouvé d’éditeur. C’est en réflexion.”
Comment trouvez-vous vos auteurs ?
“On a plusieurs cas. En littérature on reçoit souvent des manuscrits spontanés. On étudie et quand on voit quelque chose qui nous plaît on contacte l’auteur. Pour toutes les collections peuple ou 10+100, il arrive qu’un auteur expatrié ou autre viennent nous proposer un projet de livre. On travaille parfois avec des connaissances d’Henry, parfois spécialiste ou journaliste. Quand Henry à une idée il démarche d’abord des auteurs qu’il connaît avant de chercher une plume hors de son réseau.”
Combien de manuscrits recevez-vous par semaine ?
“Ça dépend vraiment des périodes mais je dirai une dizaine par semaine. Ça peut être plus ou moins évidement.”
À quoi ressemble le calendrier éditorial des Ateliers Henry Dougier ?
“Effectivement le calendrier éditorial est un pan important dans notre système d’organisation. Tout est planifié sur un an, planning et rétro planning. On a une visibilité à long terme qui nous permet de savoir à l’avance ce qui va sortir. Comme les sorties sont annoncées aux libraires un peu avant, mieux vaut que ça soit clair de notre côté.”
Le mot de la fin
Pour marquer la fin de cet entretien, j’ai eu envie de questionner Clémence sur ces aspirations personnelles. Voici la fin de notre échange.
Si tu avais le choix de quitter les Ateliers pour une structure plus importante ?
“Oh c’est une question très intéressante. C’est vrai que parfois j’aimerais voir un peu ce que ça donne dans une maisons d’édition plus importante avec peut-être un peu plus de moyens et de personnel mais ce que j’aime ici c’est que je touche à tout. Je ne suis pas cantonnée à une seule tâche, je me sens utile et j’aime ça. J’adore accompagner les auteurs et les livres comme je peux le faire ici. C’est vrai qu’au niveau logiciel, l’équipement est sûrement plus appréciable dans un grand groupe. Je sais que quelque part ma place ici est confortable mais que j’ai pris des mauvaises habitudes liée à cette très grande autonomie. Je ne sais pas comment je ferai pour travailler dans un très grand groupe avec une organisation très structurée.”
Tu n’as jamais pensé à créer ta propre structure ?
“Pour être tout à fait transparente avec toi non pas vraiment. En tout cas je sais que si je devais lancer quelque chose ça ne serait pas dans l’édition c’est bien trop compliqué comme secteur tu en sais quelque chose !”
Je ne sais pas encore si le format de cet article va vous plaire mais comment parler de d’édition sans parler des professionnels qui font vivre ce milieu. Clémence fait partie de ces profils atypiques qui ont réussi à trouver leur voie. Malgré les difficultés évidentes que connaît le secteur du livre ces derniers temps, estimons nous heureux que bon nombre de professionnels continuent de faire leur travail avec passion. J’espère que cette entrevue informelle en toute simplicité vous aura plu. J’espère aussi vous avoir fait découvrir les Ateliers Henry Dougier comme cette maison d’édition le mérite. Dites-moi en commentaire s’il y a des métiers que vous aimeriez me voir aborder dans cette la rubrique édition à l’occasion d’un prochain focus métier !
Je vous retrouve la semaine prochaine pour un nouveau sujet !
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